3 questions à Guy TORTOSA, ministère de la Culture

3 questions à Guy TORTOSA, inspecteur des enseignements et de la création artistique, ministère de la Culture. Guy Tortosa a présidé la journée d’étude sur le thème des Rendez-vous aux jardins 2023 « les musiques du jardin », organisée le 8 février dernier à l’Institut national du patrimoine, 2 rue Vivienne, 75002 Paris.
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Jardin de l'abbaye de Noirlac (18, Cher) - Le cloître en ciel et blanc

Vous avez été invité à présider la journée d’étude sur le thème « Les musiques du jardin ». Que représente pour vous cette invitation ? 

J’en ai été très touché car cela fait plus de trente ans que je milite pour l’art des jardins et pour une relation étroite entre création et patrimoine. Cela ne va pas de soi. Je me souviens des oppositions rencontrées dans les années 1980 par Jean-Pierre Raymaud autour de son projet de mise en valeur des gisants de l’Abbaye royale de Fontevraud. J’ai rencontré les mêmes empêchements quand, quelques années plus tard, après avoir travaillé à la mise en place d’un programme pour l’intérieur du château d’Oiron, j’ai proposé la création d’un jardin contemporain aux abords de celui-ci. Aujourd’hui encore, l’art des jardins est une catégorie assez marginale dans les grands corpus d’histoire des arts. Et pour ce qui est du rapport entre création et patrimoine, il se limite souvent à l’exposition d’objets et à la production d’événements. Je plaide donc pour la création de jardins contemporains et pas seulement pour l’exposition de créations dans les jardins. En suivant l'exemple de Claude Monet à Giverny, certains artistes contemporains pourraient encore nous étonner !

 

Que vous évoque la thématique des musiques du jardin ?

C’est une merveilleuse idée ! Je participe depuis près de trois ans à un chantier prioritaire de la Direction générale de la création artistique intitulé « Défis environnementaux » et je pilote dans ce cadre un atelier appelé « Veille artistique » qui devrait donner lieu à un numéro de la revue Culture & Recherche consacré à la transition écologique du secteur de la création artistique. Ce faisant, j’enrichis tous les jours mes connaissances dans certains domaines des arts qu’on dit parfois "écologiques". En matière de musique, je découvre par exemple qu’en regard des grandes créations historiques de la musique imitative (Schubert, Debussy, Messiaen, etc.), il existe une constellation de créations contemporaines dans lesquelles des sons enregistrés au cœur de la nature sont associés aux compositions. C'est ce à quoi travaillent des compositeurs comme François-Bernard Mâche, Bernard Fort, Aline Pénitot ou Florent Caron Darras. Volens nolens, les jardins participent depuis longtemps de ce régime de représentation. Comme je l’ai rappelé dans mon introduction à la journée d’étude du 8 février à l’INP, le jardinier-paysagiste Pascal Cribier (1953-2015) me racontait il y a une trentaine d’années que les concepteurs des anciens jardins chinois et japonais choisissaient une essence végétale en fonction des sons qu’elle allait produire selon les heures, les saisons et les jours, sous l’effet du vent, du soleil ou de la pluie, et sans doute aussi des insectes et des oiseaux que la végétation allait attirer…

 

Nous célébrons cette année la vingtième édition de la manifestation « Rendez-vous aux jardins ». Quel sens revêt cette date anniversaire ?

Je suis admiratif du fait qu’à l’exemple de la Fête de la musique, qui est beaucoup plus ancienne, une telle opération ait trouvé sa place dans le calendrier des rendez-vous culturels en France et au-delà en Europe. L’art des jardins est un art de l’espace et du temps. Les saisons y tiennent un rôle important. C’est le plus grand des arts, mais aussi le plus humble car il n’y a pas de jardin sans humus et ce mot est à la racine du mot humilité ! Les jardins dans lesquels avaient lieu jadis des concerts, des pièces de théâtre, des feux d’artifice, des banquets, dans lesquels l’on trouvait également des architectures et des sculptures remarquables comme, par exemple, les Esclaves de Michel-Ange dans les jardins du cardinal de Richelieu en Poitou, réalisent depuis longtemps cette fameuse synthèse des arts dont le romantisme a rêvé. C’est aussi et avant tout l’art de l’alliance entre le vivant et l’artificiel. La première édition de Rendez-vous au jardin avait pour thème « l’eau », et l’avant-dernière « le réchauffement climatique ». Ainsi, « Rendez-vous aux jardins » a toujours su rappeler les fondamentaux pour ne pas dire les fondements de l’art des jardins : la terre, l’air, les savoir-faire, les outils du jardinier, etc.

 

Retrouvez le replay de la Journée d'étude sur le compte Youtube du ministère de la Culture.

 

 

LA JOURNÉE D'ÉTUDE

Organisée par la direction générale des patrimoines et de l’architecture et la délégation à l’information et la communication du ministère de la Culture, la journée d’étude des Rendez-vous aux jardins 2023 a pour objectif de préparer les acteurs (jardiniers, paysagistes, propriétaires et gestionnaires, correspondants jardins, conférenciers, guides, etc.) à la thématique annuelle de l’opération.

Cette journée d’étude aborde l’environnement sonore des jardins : chants d’oiseaux, cris d’animaux (croassement, bourdonnement, criquètement, stridulement, gloussement, glapissement, turlutement, chicotement, feulement, brame...), tumulte des eaux, mélopées des orgues hydrauliques, murmure du vent, bruissement des plantes, installations sonores contemporaines, etc.

Les grandes fêtes organisées dans les jardins de Versailles, les musiques écrites en référence à des jardins célèbres et jouées dans des kiosques à musique ou des théâtres de verdure et la pratique du concert au jardin sont aussi mis à l'honneur.

 

Journée d'étude
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Présentation des intervenants (PDF - 399ko)

Bibliographie (PDF - 244ko)