Voyage dans des jardins d'exception

Focus sur des jardins dont la beauté et la diversité reflètent la richesse de l’art du jardin.
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Le Jardin des Cinq Sens, à Yvoire (Haute-Savoie)

Dans un site féérique en Haute-Savoie, au bord du lac Léman, le château d’Yvoire domine le village médiéval du même nom. Son jardin est classé « Jardin remarquable ». C’est un bel exemple d’adaptation d’un jardin médiéval au monde contemporain, mené à la demande des propriétaires, Anne-Monique et Yves d’Yvoire, par le paysagiste Alain Richert. Il se présente en plusieurs parties telles une prairie alpine, un sous-bois, un tissage d’inspiration Renaissance, un cloître en charmille. Mais aussi des chambres de verdure composées de charmilles et de pommiers palissés qui abritent les jardins dédiés aux sens. Le respect de l’environnement reste la trame des interventions. Tout est manuel, pas d’outil mécanique. « Depuis près de dix ans, nous n’utilisons aucun produit chimique », précise Mathieu le chef jardinier. Nous fertilisons et amendons avec du fumier décomposé bio. Ce qui fait notre force contre la limitation des parasites est notre étonnante diversité. » Les abeilles et les coccinelles abondent. Si quelques problèmes se posent, ils restent très localisés, comme celui de la pyrale du buis contre laquelle les jardiniers luttent avec des phéromones et le Bacillus thuringiensis. « Nous étudions des nichoirs à insectes et oiseaux, pour faire équipe avec les « jardiniers de l’ombre » que sont ces compagnons ». Pour le ce choix des végétaux, toutes les variétés sont adaptées aux contraintes pédoclimatiques de la région qui est chaude et sèche l’été et froide l’hiver malgré la proximité du lac. Actuellement, l’irrigation est assurée par une station de pompage de l’eau du lac. Si la réserve du Léman semble inépuisable, « nous nous posons quand-même le choix des futurs végétaux et de la récupération des eaux de pluie ».

Par Jean-François Coffin

Le Jardin des Cinq sens - Rue du Lac - 74140 Yvoire. Jardin5sens.net

 

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Les jardins Haute Couture, à Huismes (Indre-et-Loire)

On aurait pu l’appeler jardin en péril. Quand Coral Mile, une jeune Anglaise déterminée, a décidé d’en faire un Eden, ça ressemblait à une utopie.  L’aridité des terrasses coupées de larges allées sous l’ombre parcimonieuse de quelques arbres n’inclinait pas à la volupté. Ni vie, ni rêve, ni poésie. Et la fée s’est mise à planter, à agiter le manche de sa bêche dans tous les sens, à accumuler du végétal pour appeler la vie sauvage, pour l’abriter. Et le conte a commencé à prendre forme.

La vie Allegro. Dès la grille, les cymbales des grenouilles annoncent le visiteur. Tout de suite, la chorale se met en sourdine : cela bruisse, zonzonne et vibrionne entre les massifs et buissons. Les rosiers croulent d’oiseaux chamailleurs. Un merle lance son solo. Dans l’éclair bleu des libellules, un paysage se dessine, entre les fenêtres de verdure. C’est la tendre vallée de l‘Indre. Pour mieux l’apprivoiser, les coussins de mellifères dessinent des petits chemins discrets vers sa pente. Et fée Coral poursuit son travail d’abeille. Elle y a depuis ce printemps, invité à résidence Alice et son Chapelier. Une merveille de plus dans les jardins des charmes.

Par Sylvie Hamel

Les Jardins Haute Couture, 7 route de Rigny-Ussé, 37420 Huismes (entrée gratuite les 3 et 4 juin).

 

Jardins en hommage à Jacques Prévert (Manche)

Dans la campagne bucolique du Cotentin, non loin de La Hague et du minuscule Port Racine, dénichez ce trésor augurant une promenade onirique dans l'univers du célèbre poète. Son ami Gérard Fusberti s'est attaché à créer et transmettre, en cette combe jadis jardinée par des meuniers, un univers poétique singulier. Ainsi, la visite est ponctuée de plantations initiées par les amis de l'artiste (les pins d'Yves Montand, le rhododendron de Juliette Gréco ou encore le poirier pleureur de Serge Reggiani…) comme en témoignent des plaques commémoratives. Laissez-vous emporter par les messages lyriques des poèmes qui jalonnent les chemins, guidés par les bosquets d'hortensias opulents, les franges de plantes aquatiques soulignant le ruisseau et ses cascades, la silhouette imposante de la rhubarbe géante du Chili. Plus loin, une ruine est sertie de fuchsias plantureux.

Qu'il est doux de flâner ainsi hors du temps dans ce lieu intimiste peu impacté par le réchauffement climatique et qui reçut dès 2004 le label de Jardin Remarquable. Et qui sait ? Peut-être y rencontrerez-vous le célèbre raton-laveur de l'énumération ? La visite de la maison du poète, à Omonville, complète ce voyage sur les traces de notre enfance.

Par Philippe Ferret

Vallée des Moulins, Saint-Germain-des-Vaux, 50440 La Hague. parcsetjardins.fr/jardins/88-jardins-en-hommage-a-jacques-prevert

 

 

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Domaine du Rayol, un voyage planétaire

Imaginez-vous au détour du 20e virage serré sur cette petite route de la corniche des Maures entre Bormes-les-mimosas et Saint-Tropez. La pente est raide et là tout à coup, s’ouvre devant vos yeux, en surplomb de la baie du figuier, un lieu préservé de la pression immobilière, au charme méditerranéen et ouvert au public ! Bienvenue au Domaine du Rayol dans le département du Var.

L’ancienne propriété de la famille Courmes, abandonnée dans les années 1960 par le propriétaire de l’époque Henri Potez, s’étend sur sept hectares, compte deux villas, une exploitation agricole, quelques restanques et un parc planté d’arbres rendu à la flore méditerranéenne locale. C’est en tous cas ce que découvre le jardinier paysagiste Gilles Clément en 1988, appelé sur place pour faire une étude dans le cadre d’un contre-projet à la construction d’un complexe touristique. Ce projet prévoit l’achat du site par le conservatoire du littoral pour en préserver le paysage et l’ouvrir au public. La seule préservation ne suffit pas, il faut imaginer autre chose. Comme il existait déjà un parc, notre jardinier planétaire y voit l’opportunité de créer un jardin méditerranéen austral, territoire des méditerranées au sens du biome, qui soit un « lieu de réflexion, une approche expérimentale de notre rapport à la nature pour une meilleure compréhension de ses multiples ressources », explique-t-il. Il décide de donner à voir et à observer la similitude d’expression botanique méditerranéenne du monde.

On y découvre une végétation inféodée aux paysages d’un large pourtour de la mer Méditerranée… du nord de l’Iran jusqu’aux Îles Canaries.... mais également celles du matorral chilien, du chaparral californien, du bush australien et du fynbos sud-africain. Tous sont des territoires méditerranéens, unis par une végétation, une faune, des écosystèmes adaptés à un climat en tout point semblable : des étés chauds et secs, voir très secs et des hivers doux plus ou moins humides.

Le voyage est ici planétaire mêlant plantes parfois très familières de nos jardins, originaires d’Australie, de Nouvelle Zélande, d’Afrique du Sud à une végétation locale et à une autre d’origine d’Asie subtropicale, vestige des plantations d’origine.

Par Sylvie Ligny (extrait de la revue Garden_lab)

Domaine du Rayol, Avenue Jacques Chirac, 83820 Rayol-Canadel-sur-Mer

 

Jardins de Laussagne (Charente), la beauté en partage

Dans la petite commune charentaise de Vouzan, à une quinzaine de kilomètres d’Angoulême, les jardins de Laussagne se découvrent comme on admire un tableau. Leur code couleur strict laisse cependant la part belle à la créativité de leur propriétaire, Cédric Maury. Pour lui, le foisonnement des jardins anglais qu’il adore se décline avec harmonie et subtilité. Depuis 5 ans maintenant, il a ainsi conçu un premier jardin jaune et pourpre, un deuxième rose et vert anis et enfin un jardin bleu et gris, à l’ambiance méditerranéenne autour du bassin. En projet, un jardin blanc et un potager, puis un jardin de feu, ultime touche de couleur à ce tableau végétal d’environ 1 ha. Partout, des éléments de décoration en vannerie – sphères, paniers, tontines, formes animales – voisinent avec des sculptures, des mobiles et des suspensions en bois et en métal et accompagnent les pas des visiteurs. Car l’amour de la nature de Cédric ne se cantonne pas à la création de son jardin. Il travaille en effet le végétal sous toutes ses formes. Et s’il n’est pas fleuriste, il anime une fois par mois des cours de créations végétales à Vouzan ainsi que dans quelques communes voisines. Et pendant les week-ends en hiver, des stages de vannerie sont organisés aux jardins : entre matinées consacrées à la cueillette et à la connaissance des végétaux et après-midi tressage devant la cheminée. Beauté printanière et estivale, convivialité en automne et en hiver : les jardins de Laussagne méritent le détour !

Par Omar Mahdi 

Les Jardins de Laussagne à Vouzan (16410)

 

 

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Les jardins fruitiers de Laquenexy (Moselle)

C’est la musique des continents. Dans l’ancien conservatoire fruitier lorrain, les jardiniers ont voulu faire danser les rangées de pommiers et poiriers sagement inscrits dans le doux paysage des coteaux de Moselle. Il y avait des alcôves secrètes où se terraient les plantes méchantes, des terrasses sèches éblouissantes pour les collections d’agrumes méditerranéens, d’étranges sculptures des Aeonium noir géants partis rivaliser avec les vaches d’Emmanuel Perrin en transhumance dans les allées avec leurs vaux… Et maintenant le temps des Maoris est venu. Un nouveau jardin leur est dédié, qui sera inauguré en danse et musique durant les journées Rendez-Vous.

Laquenexy, depuis 2004, a glissé de sa stricte tenue de centre d’expérimentation en pomologie, aux habits bariolés de la fête végétale. Le végétal qui s’appuie sur le bonheur de l’œil et du nez et de l’oreille, quand il ne convie pas le toucher. Sculptures, musique des eaux qui circulent de bassins en rigoles, lyres des espaliers et staccato du vent dans les bambous… les sons eux aussi visitent les continents.

Par Sylvie Hamel

Les jardins fruitiers, 4 rue Bourger et Perrin 57530 Laquenexy https://www.jardinsfruitiersdelaquenexy.com

 

Plantes résilientes et panorama au jardin exotique d’Eze (Alpes-Maritimes)

Sur le piton rocheux d’Eze dominant le littoral de ses 429 mètres, il ne reste que les ruines du château féodal… Et un jardin, imaginé après la Seconde Guerre mondiale par le maire de l’époque, André Gianton, qui fait appel au chef jardinier du jardin exotique de Monaco, Jean Gastaud, pour les premières plantations de ce qui est aujourd’hui le jardin exotique d’Eze. Le site est protégé des vents du nord par le plateau de Revère, et bénéficie d’une exposition plein sud et d’une déclivité garante d’un bon drainage : l’idéal pour des plantes bien adaptées à la sécheresse comme les cactées et les plantes grasses. Parmi les fleurons de la collection de cactées, citons Trichocereus pasacana, cierge géant qui domine tout le jardin, Opuntia tunicata aux longs aiguillons translucides et Ferocactus pilosus aux épines rouge corail. Et parmi les plantes grasses, les euphorbes, dont Euphorbia coerulescens, les aloès, dont Aloe marlothii, et les agaves, dont Agave salmania var. ferox, sont les familles les plus représentées. Des panneaux thématiques comparant les agaves et les aloès, dévoilant le secret des cactées… jalonnent désormais le jardin, permettant de mieux connaître ces plantes intrigantes particulièrement adaptées aux bouleversements climatiques que nous connaissons depuis quelques années maintenant. Les statues poétiques du sculpteur Jean-Philippe Richard ponctuent la promenade.

Par Rosenn Le Page

Jardin exotique d’EZE, 20 rue du château, 06360 EZE Village. Tél. : 04 93 41 10 30. www.eze-riviera.com

 

Ces textes sont signés par des journalistes membres de l'AJJH (Association des journalistes du jardin et de l’horticulture) qui soutient les Rendez-vous aux jardins au travers d'un accompagnement rédactionnel.

Site Internet ajjh.org