Les cimetières sont les jardins de l’éternité, le reflet de nos rituels du deuil et l’expression matérielle des rapports de notre société et de chaque individu avec la finitude de la vie. Dalles funéraires et sculptures gardent la trace de la douleur de la séparation, rappellent le souvenir des morts et se lisent comme les chapitres d’un voyage dans le temps et l’Histoire. Par le travail des sculpteurs et des tailleurs de pierre, ils portent la trace des modes autant que des rapports de forces et de fortunes de leur époque.
Inscrits sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO
En Allemagne, de nombreux cimetières ont des allures de parcs à l’atmosphère particulière. Au XIXe siècle, ils étaient même le lieu où s’exposaient les talents de l’art paysager et jardinier. Beaucoup bénéficient aujourd’hui d’une protection au titre des monuments historiques. Îlots paisibles nichés dans nos rues, parcs de sculptures et bulles de grand air, ils contribuent à la qualité de vie dans les villes. La culture des cimetières allemande a même été inscrite sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2020, consacrant les usages des « lieux de paix », les usages funéraires et la façon dont les Allemands prennent soin de leur jardin du souvenir personnel, dans un processus collectif créateur d’identité.
La Société allemande des jardins et du paysage (DGGL) a consacré une année d’étude sur la thématique des cimetières, sous le titre Derniers jardins, et les fait découvrir comme des lieux aux multiples fonctions où il fait bon aller moins vite.
Nouveaux usages, nouvelles formes de vie
Mais les cimetières changent : les crémations ont le vent en poupe, les tombeaux traditionnels disparaissent. L’Allemagne veut accompagner cette transformation avec un message : utiliser pour protéger. Le cimetière du futur comporte des prairies sauvages, riches de biodiversité, et s’ouvre aux activités humaines et culturelles. Les animaux sont présents depuis longtemps déjà. « Les cimetières apportent une contribution essentielle à l’adaptation climatique de l’espace urbain », souligne Stefan Schweizer, président de la DGGL jusqu'en 2024.
En tête du classement, le cimetière d’Ohlsdorf, à Hambourg, est le cimetière paysager le plus vaste du monde avec ses 390 kilomètres carrés. C’est un berceau de la biodiversité, où l’on peut croiser le hibou grand-duc et le martin-pêcheur. Dans le cadre du programme « Ohlsdorf 2050 », les deux tiers de la surface deviendront un parc au fil des 25 prochaines années, avec le soutien de l’UE. Un processus de longue haleine, que les citoyens de la ville ont approuvé au cours d’une consultation ciblée. Il faut dire que les Hambourgeois se sont déjà approprié leur cimetière depuis longtemps et viennent y pratiquer des sports doux tels que le vélo, le jogging ou la marche nordique.
Des visites pendant les Rendez-vous aux Jardins
Le thème actuel des Rendez-vous aux jardins lève aussi un coin de voile sur le concept de développement durable des surfaces vacantes des cimetières. Hanovre propose des visites spéciales de trois cimetières municipaux, « qui racontent, pierre après pierre, des destins oubliés, des bouleversements sociaux et des souvenirs silencieux », comme l’explique Anja Kestennus, coordinatrice des Rendez-vous aux jardins depuis de nombreuses années.
Au programme, entre autres, une promenade agrémentée de lectures par un auteur. Au cimetière municipal d’Engesohde, la géo-écologue et autrice Sigrid Tinz examine le besoin croissant d’être proche de la nature, même après la mort. Dans son livre, Le cimetière est vivant ! elle encourage à faire de nouveaux plans pour les lieux anciens. La biodiversité dans les cimetières, c’est bien facile si tout le monde s’y met !
Texte rédigé par Susanne Yacoub, rendezvous@dggl.org, +49 179 90 33 065
HEREIN au jardin, un réseau européen des jardins
Le réseau HEREIN au jardin, mis en place en 2015, dépend du programme HEREIN qui a été créé par le Conseil de l’Europe en 2001 à la demande des États membres. Il s’agit d’un réseau de coopération unique dans le domaine du patrimoine culturel qui permet de suivre l’évolution des législations et pratiques patrimoniales en Europe et l’échange d’information entre institutions et professionnels du patrimoine.
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